mercredi, mai 26 2010, 00:21
Une très vieille dame et quelques oublis
Par Lika Spitzer - Journal - Lien permanent
J'ai toujours aimé les très vieilles dames, quand elles sont gaies.
Madame Hurstel était l'une d'elles :
- Petit garçon, viens près de moi.
- Je ne suis pas un petit garçon. Je suis votre infirmière.
- Mon infirmière !
- Mais oui. C'est moi qui vous ai fait votre piqûre au moment du petit déjeuner.
- Oui, oui. Mais j'aimerais que tu me dises... Où suis-je ici ?
- Vous êtes chez vous, madame, dans votre appartement.
- Dans mon appartement ? Et ma fille, où est-elle ?
- Vous la verrez ce soir. Votre fille habite ici, avec vous.
- Ma fille habite ici aussi ! ? ! Quelle coïn-ci-dence... ! Et dis-moi, petit. Est-ce que tu la vois, ma fille ?
- Je la vois parfois les dimanches, quand elle ne travaille pas.
- Alors, quand tu la verras, est-ce que tu peux lui demander comment elle s'appelle ?
- Mais pourquoi ?
- Parce que quand tu le sauras, il faudra que tu me le dises. Tu veux bien ?
J'avais promis, bien entendu. Mais comment savoir aujourd'hui si j'ai ma promesse ?
Avant de repartir - cela, je m'en souviens bien - j'avais sorti deux carrés de chocolat de mon sac. Madame Hurstel rayonnait, elle adorait le chocolat, mais il me semble me rappeler qu'elle n'avait pas le droit d'en manger. Quant au nom de sa fille, je l'ai oublié.
11 commentaires
Il y a quelques années, j'ai séjourné une semaine dans un établissement étrange habité
par des pensionnaires accablées de tristesse. Mais ils n'avaient pas l'air très différents
des gens qu'on rencontre dans la vie ordinaire.
Un vieux Monsieur très gai avait éveillé ma curiosité : A la fin de chaque repas pris
dans la grande salle à manger, il sortait de sa poche un petit porte-monnaie et
demandait :
" Vous m'avez fait ma note ? c'est que j'ai du travail à faire moi ! "
Ensuite, il regagnait sa chambre à petits pas pressés et se plaçait devant " son
bureau ", en conférence devant ses collaborateursles informant des décisions à
prendre. A dix-sept heures, il fermait sa porte. Ainsi tous les jours.
Il exerçait des fonctions importantes dans une entreprise m'avait dit une
soignante.
Ala fin de la semaine j'ai fait mon sac et je suis partie en regrettant de
ne pas avoir échangé quelques mots avec le vieux monsieur si gai.
Colibri, tu aurais pu, par exemple, lui demander s'il avait besoin d'une secrétaire, puisque la seule chose qui lui paraissait importante était son travail...
Ton vieux monsieur me rappelle le vieux père de Deborrah Kerr dans La Nuit de l'Iguane... Un des films que j'ai préférés dans ma vie, à cause des HA ! ha ! ha ! ha ! de Ava Gardner et de leurs conversations à toutes les deux, et des rapports entre le vieillard quasiment gâteux et sa fille ! Tu l'as vu ? Le Burton , bon, n'était pas mal, mais Ava et Deborrah, ah !
Un autre monsieur très gai:" quel sale temps aujourd'hui!" ." Oui, certes, mais mais ça vaut mieux que plus de temps du tout!" Caresses pour toi, chère Lika.
Eh ben, Charlotte, je suis contente de te lire ici. Je pense souvent à toi. L'autre soir, j'ai vu un documentaire sur les hôpitaux psychiatriques. C'était pas la joie... Point de musicothérapie, tu penses bien... On ne prend même pas le temps de dire au patient consigné dans sa chambre un petit mot gentil en lui apportant son repas - et ses médicaments ! Toi, t'es spéciale. Fais gaffe de ne pas te trouver patiente, comme le médecin dans" Salle 6",de Tchekhov une des nouvelles qui m' a le plus impressionnée -au point que je ne l'ai pas relue depuis des siècles... Bisous renforcés de "Bion 3 Senior", pour la pêche.
Dans mon immeuble il y a beaucoup de vieilles dames , et heu moi, donc ça fait
plein. Je viens de faire un effort pour m'inclure en pensée dans la communauté.
L'une d'entre elles, un vrai chameau, gueulant après tout le monde, monopolisant la parole aux réunions de coprop. Oh, j'adore me friter avec elle, elle
me déteste...Et je lui rends bien.
Y en at-il une très gaie, pas que je sache. Donc c'est très calme, là ou j'habite
et ça j'apprécie, à part le chameau qui disparait six mois par an dans sa
cambrousse.
Colobri, un commentaire s'est égaré. Je n'ai pas dû appuyer où il fallait. Pas grave. En fait, en vieillissant, les gens sont plus eux-mêmes que jamais... (sauf quand ils ont une maladie qui affecte leur cerveau). On les repère de mieux en mieux... La trame apparaît, en quelque sorte.
la vieillesse est un naufrage, je crois que c'est De Gaulle qui disait ça......
Lika, l'homolectorus et moi avons Ad-o-ré le livre que tu m'a donné...j'espère que tu aura un peu de temps prochainement pour une autre opération café......
bises
Coucou Lika,
Je viens de lire ton texte sur la " vertu de courage et bizarrement, j'ai envie d'ajouter
un petit quelque chose à celui sur les vieilles dames.
" Regardez Maguy, votre fille est venue et elle vous a gâtée. J'ai oublié ce que
j'avais apporté à maman ce jour là, à la maison de retraite.
Oh ! ma fille répond-elle, pftt ! et elle me lance un regard plein de tristesse
et de déception. Puis à Jocelyne ( l'aide-soignante qu'elle aime beaucoup) elle
fait un grand sourire complice : me voilà exclue comme quand j'étais petite. A mon
tour je souris à Jocelyne qui a l'âge d'être ma fille. L'après-midi sera longue,
il faut que je trouve des sujets légers, des histoires gaies à raconter.
Je te fais de gros bisous , Lika.
J'aime ce texte que tu viens de mettre en guise de commentaire, Colibri. Il touchera chaque lecteur. Merci.
Tu es hyper-sympa, Boutfil, ainsi que ton homolectorus ! Voilà qui fait du bien, car je suis restée plusieurs jours sans rien mettre sur mon blog, et le billet qui est resté en stationnement va savoir combien de jours dans l'attente du wagon suivant est loin d'être celui que je préfère ! J'ai été très heureuse aussi de parler avec toi ! A bientôt près du canal, ou là où ça te chantera. Bises. (Les chats attendent que j'éteigne la lumière. Nora tourne toutes les pages qu'elle trouve avec furie. C'est le seul chat à ma connaissance à savoir faire ça.)
Ta madame Hurstel m'a évoqué Françoise Hurstel, va savoir pourquoi, alors que celle à qui je pensais était Charlotte Herfray...Un méandre psychanalytique, probablement!