Certaines fois, on dirait que je n'ai pas envie d'être contente de moi. Je ferais volontiers les tâches que je me suis assignées, mais voilà, je ne les fais pas. Une sorte de mauvaise volonté venue du tréfonds de mon être, commence à croître, à me monter dans l'esprit comme une algue maléfique; et si je n'oppose rien à cette prolifération, bientôt toute velléité d'action se trouve étouffée.
Je dois donc faire très attention. Aujourd'hui, il me reste quelques heures pour nettoyer la salle de bains, lui donner cette rutilance reposante - reposante d'avoir chassé la culpabilité devant un lavabo terni, des miroirs tachés de coulures - quelques heures pour m'asseoir à la petite table encombrée de livres d'allemand tout près du lecteur de DVD où je vais pouvoir écouter mes leçons, quelques heures pour aller travailler mon piano.
Il me faut arrêter la prolifération de ces algues maléfiques et accomplir tout ce dont je viens de parler, fût-ce dans le désordre, car je sais que ces questions de priorité se voient vite, elles aussi, encombrées d'algues...
Bien sûr, il a raison, Baudelaire, quand il dit que travailler est moins ennuyeux que s'amuser.  Or je ne m'amuse même pas. Et il ne dit rien des processus de la décision - si bizarrement enrayés chez moi : malformation que l'écriture s'échine depuis combien d'années à réparer...
Il n'y a pas si longtemps, je déclarais, tout fière, que le courage, lui aussi, est enfant de Bohême.  C'est peut-être vrai, puisque certains jours, on en a, et certains autres, pas - et on ne sait pas pourquoi. Mais justement - je le découvre à l'instant - quand on n'a pas de courage, c'est là qu'intervient... la vertu de courage. Ai-je enfoncé une porte ouverte ?