lundi, avril 26 2010, 10:38
Un art (poème d'Elisabeth Bishop)
Par Lika Spitzer - Journal - Lien permanent
Dans l'art de perdre il n'est pas dur de passer maître;
tant de choses semblent si pleines de l'envie
d'être perdues que leur perte n'est pas un désastre.
Perds chaque jour quelque chose. L'affolement de perdre
tes clés, accepte-le, et l'heure gâchée qui suit.
Dans l'art de perdre il n'est pas dur de passer maître.
Puis entraîne-toi, va plus vite, il faut étendre
tes pertes aux endroits, aux noms, aux lieux où tu fis
le projet d'aller. Rien là qui soit un désastre.
J'ai perdu la montre de ma mère. La dernière
ou l'avant-dernière des trois maisons aimées : partie !
Dans l'art de perdre il n'est pas dur de passer maître.
J'ai perdu deux villes, de jolies villes. Et, plus vastes,
des royaumes que j'avais, deux rivières, tout un pays.
Ils me manquent, mais il n'y eut pas là un désastre.
Même en te perdant (la voix qui plaisante, un geste
que j'aime) je n'aurai pas menti. A l'évidence, oui,
dans l'art de perdre il n'est pas dur de passer maître
même s'il y a comme (écris-le !) comme un désastre.
Ce poème a été traduit par Alix Cléo Rouaud, Linda Orr et Claude Pouchard.
Malheureusement, je ne l'ai pas encore trouvé en anglais.
Or Google - je viens juste de m'en apercevoir - en offre plusieurs versions en anglais. Me suis longuement arrêtée sur une photo d'Elizabeth Bishop, de profil - elle était jeune et grave - mais pour l'instant je n'ai pas su la placer ici. Demain, peut-être ?
11 commentaires
Perdre ses clés, perdre la montre de sa mère, perdre sa maison : je connais, ça va.
Mais perdre ses dents ...
Beaucoup de gens ont perdu leurs dents, "mais il n'y eut pas là de désastre", comme le dit Elizabeth Bischop. Nous avions, à l'hôpital, une ravissante Antillaise de vingt-six ans qui avait, comme on dit, "un complet". Mais elle ne nous le contait pas comme un désastre. Elle disait juste que dans l'enfance elle avait trop mangé de canne à sucre...
Perdre ce qui est du matériel, ce n'est pas grave, perdre ses sens c'est embêtant, perdre ses valeurs c'est catastrophique. Mais comme le disait Groucho l'autre Marx, "je suis un homme de principes, si ils ne vous plaisent pas, j'en ai d'autres à vous proposer". Beau poème sur ce qui est nécessaire et ce qui est accessoire.
Bise
Ah bon ! Si c'est à cause de la canne à sucre qu'on perd ses dents, ça va ! J 'en ai mangé mais pas trop !
Donc, dans l'art de perdre je vais passer maître. C'est la bonne nouvelle du jour.
Comme tu vois, Raymond, ce qui est accessoire pour les uns est nécessaire pour les autres... Pour Putzi Ouane, passer maître en quelque chose, c'est quelque chose ! Mais on peut aussi perdre ses défenses, et Elizabeth n'y a pas songé...
Raymond, y cause, y cause, mais pour moi, c'est de l'accessoire.
Le nécessaire ce serait qu'il nous fasse cette peinture de l'hôtel ou à la rigueur de la marraine !
J'm'en va zy dire au Raymond kiz dépêche... Que Putzi Ouane est une impatiente. Bref qu'elle pire que moi.
Lika, Merci pour ce beau poème.
Je t'embrasse.
Moi aussi, je t'embrasse, Colibri. Merci de venir ici...
Beau poème, Lika. Belle traduction. Merci !
Contente que tu aimes ce poème. Comme tu as dû le voir, la traduction n'est pas de moi... Je suis contente qu'elle te plaise, et ne te donne pas de démangeaisons... !