La poussière, c'est mon malheur. Laver les sols, les lavabos, la cuvette des toilettes, je le fais naturellement, mais nettoyer la poussière n'est pas du tout naturel pour moi, je me demande bien pourquoi. Pour m'y mettre sérieusement, il me faut une bonne raison.
Hier, par exemple, j'ai dépoussiéré un nombre incalculable de CD parce que j'en recherchais un. Comme il me fallait les sortir de leur rangée, parce que ce sont souvent des copies et qu'on ne voit rien sur la tranche toute maigre, eh bien c'était l'occasion de nettoyer les planches où ils sont rangés, ainsi que chacun d'eux, avec une lingette humide antistatique parfumée aux agrumes ou à la pomme - et ne me demandez pas, cher Corto74 où je l'ai achetée, je n'en sais rien : Franprix, ou Ed, ou Auchan, ou Bricorama, ce n'est pas moi qui fais les courses.
Derrière mon piano droit, je peux attendre le jour où j'utilise la serpillère sur le parquet, car j'ai laissé exprès un espace entre le mur et ce piano  pour que mes chats dépoussièrent à ma place. C'est eux que je me contente de brosser chaque jour, et ils adorent ça. (Elles, devrais-je dire puisque ce sont deux chattes.) Derrière le petit piano à queue, ce sont elles aussi qui font le travail. Je ne suis pas obligée de me mettre à plat ventre pour parvenir jusqu'au coin. Mais elles n'ont jamais eu envie de passer le long des livres, tout acrobates qu'elles soient. Il faut donc que j'attende de ne pas réussir à trouver celui que je veux lire à tout prix; et le prix, ce sera encore la lingette - et le grand escabeau qu'il me faudra aller chercher.
Je suis toujours étonnée que certaines femmes, certains hommes même, fassent le ménage chaque jour, aussi naturellement qu'on se brosse les dents. Simone de Beauvoir - je l'ai écrit dans Peut mieux faire - disait que la lutte contre la poussière est une lutte perdue d'avance. Mais comment me cacher derrière cette phrase, quand j'admire, chez les autres, ces pièces où tout brille, impitoyablement.