Dans ma jeunesse j'ai fait des choses folles - très folles - et une chose moche aussi. J'ai écrit des mots qui auraient pu tuer quelqu'un sous couvert de le secouer. Je ne l'oublie pas.
Mais l'écriture ne sait pas encore soulever cette charge. Il faut attendre. Je suis patiente.
Dostoïevski m'avait surprise avec la confession de Stavroguine dans Les Démons.
Je devrais relire ce livre terrible. Et lire De l'abjection aussi, de Jouhandeau. Il me fallait ce livre, et pourtant je ne l'ai pas encore ouvert. Cela va faire plus d'un an que je l'ai.
Ce soir, j'ai pensé, il n'y a pas d'abjection sans offense envers une personne, envers soi-même, aussi, en même temps, bien sûr... Et puis j'ai pensé ceci : je ne sais au juste ce que signifie le mot abjection. Capable de blesser gravement avec des mots, je n'ai même pas le courage de choisir celui qui pourrait qualifier le billet que j'ai écrit un jour à quelqu'un, il y a plus de trente ans.
Ces mots qui peuvent tuer, je les avais copiés sur des mots qui m'avaient tuée. C'est banal. Et grave. Laissons cela pour aujourd'hui.