Impitoyable le créateur me condamna à la mutation perpétuelle.

Je mutai et mutai sans trêve, carnivore, insectivore, herbivore, et les vieilles peaux s'amoncelaient où je me débattais dans des hoquets de mutation incontrôlés.

Au départ, petit ver mou et placide, j’avais un nom grec. Ensuite, à muter si souvent je perdis mes droits, et aucun érudit ne daigna plus nommer mes états successifs, on m’abandonna.

Livrée à moi-même, je mutai de plus belle dans la fièvre et dans l'effroi, j’avais des quintes mortelles de mutation, ne reconnaissais, ne voyais plus personne.

Ma chair perdue, il me poussa à la place toutes sortes d'accessoires crissants prêts à choir ; des nageoires affolées, des branchies à cils vibratoires électrisés, d'innombrables ailerons friables comme de la pâte feuilletée, des pattes, des pattes, des poils, des duvets.

Pour finir je perdis tout espoir, et me laissai fouler aux pieds comme une feuille morte.