A certaines inflexions, quand je m'entends parler, je remarque que ma voix a vieilli : ce sont les inflexions même de ma tante, décédée à quatre-vingt quinze ans. Je les reconnais. Je me demande si les Nicorette que je mâche depuis dix ans y sont pour quelque chose. Je parle, et cela se produit : la vieillesse sort de moi, s'expose quelques instants, disparaît.
La même chose était arrivée à mon jeune visage, les jours de fatigue. Annonciation d'abord discrète, et puis, de décennie en décennie, les signes s'affirmaient, établissaient leurs quartiers sur mon visage et sur mon corps.
La fraîcheur partait se réfugier sur d'autres visages, d'autres décolletés, d'autres corps. Partout autour de moi sa gloire éclatait : dans les rues, les bus, les métros, les parcs, les plages. C'était beau. Et je n'étais pas triste - presque pas. Je regardais.