Quelle déception, cette exposition d'Edvard Munch, hier !
     J'y allais, espérant y trouver mon tableau préféré, Portrait de ma sœur Inger * (1884), où cette jeune fille, en robe noire semblait avoir été peinte avec des baisers. Ce tableau je ne l'ai pas trouvé ! Et on ne doit PAS le confondre avec le portrait, peint en 1892, plus froid, où Inger a les mains croisées devant elle et porte une robe presque noire aussi, mais tachetée de motifs roses.
     Beaucoup de visiteurs cherchaient Le cri. Point de "Cri" - il existe pourtant une cinquantaine de variantes de ce tableau. Comment comprendre ?
     Ne figurait pas non plus à Beaubourg La danse de la vie, où Munch exprime son dédain envers des danseurs sans délicatesse, certains même grossiers, grotesques. Trois femmes, au contraire, semblent des personnes sensibles. La première, douce et légère au fond du tableau, a peut-être un cavalier, mais un danseur sinistre au premier plan ne nous permet pas de le savoir. Les deux autres femmes, un peu plus mûres, encadrent debout les deux côtés du tableau, sans regarder les danseurs. Pensive, un brin mélancolique, celle qui arrive, seule, de la gauche sur l'herbe vert sombre, vêtue de blanc et ocre, s'essaie à sourire, tandis qu'immobile en sa robe noire, raidie en sa douleur, la femme au mince visage désespéré, seule elle aussi, que Munch a placé au premier plan à droite, semble se demander : "Faut-il vraiment continuer à vivre parmi ces gens-là..." Un tableau que j'aime beaucoup, vous l'avez compris.
     Absents aussi, les tableaux La femme au trois stades de son existence, Le clair de lune, La Tempête, on ne va pas tout énumérer.
     Un miracle, donc, qu'ait figuré dans cette expo L'Enfant malade, en deux versions, s'il vous plaît, Le Printemps, et surtout La puberté : cette jeune fille nue au regard intense, assise modestement sur le bord d'un lit, les bras allongés devant elle cachant son pubis. Les mains et les pieds joints sont peints avec douceur et respect. J'ai pensé alors à ce qu'il peut y avoir de mépris dans la façon dont Munch peint les visages vides des bourgeois, déterminés plutôt par leurs chapeaux, dans Soirée sur l'avenue Karl-Johann. Manquent aussi La Mort de la mère, aux couleurs si légères, l'Autoportrait à la cigarette .
     Par contre, m'ont fascinée La Vigne vierge, un tableau qui barbouille de sang ou de flamme toute la façade d'une maison (et d'ailleurs Munch a peint aussi une maison incendiée), Mélancolie, où domine un orange torride dans toute la chambre et jusque sur le visage et les mains de la femme assise qu'on sent demeurer en sa nuit intérieure. Même fascination pour Le soleil, qui écrase le paysage tout entier sous les lourds barreaux jaunes, rouges, verts et même bleus, d'une prison géante, où j'ai vu... l'autorité intraitable du père. Un tableau un peu pâli dans les reproductions. Mais Munch a peut-être peint plusieurs de ces soleils, qui sait ?

* Portrait de ma soeur Inger figure dans le Munch publié par TASCHEN que vous pouvez acheter sans aller voir l'exposition, un grand livre vendu 9,9 euros - quand chaque place coûte davantage ! Si vous n'avez pas pu réserver un coupe-file, franchement, cela ne vaut pas le coup de faire la queue... La plupart des reproductions sont très bien. Et si la paye est tombée, achetez  encore, si vous ne l'avez pas, le DVD intitulé Edvard MUNCH, un film de Peter Watkins. Je l'avais vu en ma jeunesse, revu plus tard. Vous ne le regretterez pas !