"Ce que les écrivains de la noblesse prenaient à la nature pour rien, écrit-il à Souvorine le 7 janvier 1889, les roturiers l'achètent au prix de leur jeunesse. Essayez donc d'écrire une nouvelle sur un jeune homme, fils de serf, ci-devant boutiquier, chantre d'église, collégien et étudiant, élevé dans le respect des galons, de la main du pope à baiser, dans l'adoration des idées qui ne lui appartiennent pas, jeune homme qui devait remercier pour chaque morceau de pain, souvent fouetté, allant donner des leçons les pieds trempés, qui s'est souvent bagarré, qui tourmentait les bêtes, aimait dîner chez des parents riches, hypocrite vis-à-vis de Dieu et des hommes, sans nécessité, uniquement par conscience d'être une quantité négligeable... Décrivez comment ce jeune homme exprime de lui-même, goutte à goutte, l'esclave et comment, se réveillant un beau matin, il sent que dans ses veines coule non plus un sang d'esclave, mais sang véritable, humain."
      Tchekhov cité par Elsa Triolet dans L'histoire d'Anton Tchekhov Sa vie, son œuvre - volume publié par Les éditeurs français réunis en 1954.