Je ne ferai pas l'éloge de la vie. Je puis juste avoir de la compassion pour tout ce qui vit et comme moi, sans comprendre pourquoi.
     Si je vois des gens occupés, disent-ils, à donner un sens à leur vie, ou pire, à chercher en vain à donner un sens à leur vie, je commence par m'étonner, les plaindre beaucoup, puis je leur suggère de vivre chaque journée le plus sincèrement possible, compatissants envers les vivants (et les morts, pourquoi pas), sans plus. C'est alors que les actes à accomplir se proposeront; naturellement. Leur dis-je.
     Je pense aussi que, passé un certain âge, chercher à se "cultiver" encore, pourquoi faire ? Mieux vaut, selon moi, chercher uniquement des œuvres qui vous soutiennent vraiment, vous empêchent de sombrer.
     Je me souviens d'un jour de grande tristesse où, comme j'entendais à la radio l'Intermezzo du Carnaval de Schumann, le bonheur avait surgi en moi, immense, inattendu. C'était il y a trente ans. (1)
     Je persiste cependant à dire que je ne ferai pas l'éloge de la vie, et encore moins de l'intelligence humaine, que je considère comme une catastrophe - corrigée seulement par le surgissement de l'art.
     (C'est un billet écrit sur mon cahier le 19 juin, que j'ai hésité à placer ici, forcément.)

(1) Il s'agit du Carnaval de Vienne op. 26, que, par la suite, voulant en acheter un enregistrement, j'avais confondu avec le Carnaval op. 9.