Une lecture publique autour de la vie d'Emily Dickinson était programmée au Lucernaire le 26 mai à 14:30. j'y suis allée - tout ce qui touche Emily Dickinson m'intéresse - m'attendant au pire à cause du titre de la pièce :"Belle d'Amherst". Car justement Emily Dickinson n'a jamais été belle. Donc, ça commençait mal à mon avis. Mais on allait voir. Or, la jeune femme, Natalie Boutefeu, qui seule en scène "était" Emily, a été extraordinaire de simplicité, de spontanéité : de justesse.
     Beaucoup de gens ont entendu parler d'Emily Dickinson, elle a été traduite par un nombre considérable de personnes, mais peu éprouvent le besoin de la lire. D'ailleurs, en France, le public lit peu les poètes, et Emily Dickinson moins que les autres. Or je peux assurer que même ceux qui ne savent rien d'elle se régaleront à l'écouter "parler" (c'est une pièce de William Luce qui a été jouée, si je ne me trompe dans les années 70 aux Etats-Unis, dirigée ici par Fred Wiseman) et retrouveront en la comédienne Natalie Boutefeu toutes les facettes de la dite "recluse d'Amherst" : sa passion pour l'écriture et pour les hommes qui pourraient la comprendre - passions également contrariées - sa timidité de fille jamais complimentée, son humour corrosif, son charme.
     Je ne me suis pas ennuyée une seconde, et n'ai jamais eu l'impression qu'on voulait faire d'Emily Dickinson une sainte, ni une folle, ni une extraterrestre de génie - toutes choses qui m'agacent souvent dans les livres qui lui sont consacrés. Aborder la vie et l'oeuvre (délicatement entremêlés) de la plus grande poétesse américaine du XiXème siècle sans lourdeur est véritablement un exploit. J'insiste : un exploit.
     Naturellement, j'ai applaudi de toutes mes forces, ai crié "bravo !" comme beaucoup d'autres, et suis  sortie de la salle cherchant à qui je pouvais exprimer mon enthousiasme. Je vois un monsieur encore bien jeune malgré ses cheveux blancs, lui communique volubilement mes impressions, et lui parle de mon désir de rencontrer le directeur du Lucernaire pour le convaincre que cette pièce sera un succès. Il répond en souriant :" C'est moi. Ne vous inquiétez pas. La pièce m'a beaucoup plu aussi. J'ai l'intention de la programmer. Et je vois que vous saurez en faire la promotion autour de vous..."
Chose faite, donc.
     Ensuite, il a été question d'un travail que l'épouse du directeur préparait autour de Virginia Woolf. Occasion unique, peut-être de prendre contact avec un écrivain qui m'a toujours en quelque sorte filé entre les doigts... Déjà, j'ai sorti La promenade au phare de l'étagère. Bonsoir, Emily; bonjour, Virginia.