Quand ai-je écrit ça au crayon sur un de mes carnets indiens cartonnés ? L'année dernière ? Je ne sais pas.
C'est étrange: j'ai eu tant de mal avec le réel, refusant d'en percevoir tant de plans, qu'à la fin c'était comme s'il ne me restait plus qu'un ou deux doigts de pied à poser sur le sol, et par temps de brouillard encore. Tant de mal avec le réel, et voilà que cette enfant née de moi, si réelle, qui m'avait donné tant de leçons de réalité, m'avait si souvent émerveillée par son pragmatisme affectueux, son imagination à la fois râpeuse et éclaboussée de soleil, voilà que cette enfant devenue femme (et si triste, si triste) est partie en fumée, voilà qu'elle n'est plus - moins réelle maintenant que le vent qui me passe sur le visage. Plus rien.
Plus rien ?
Et moi, petit à petit, par elle débarrassée de mes brumes, par elle réconciliée avec la vie, je me dois d'admettre qu'elle, si vivante, a disparu dans le non-réel. Jouer à colin-maillard ne sert à rien, mes mains se tendent en vain; et quand le masque s'enlève, ne reste que la disparition stupéfiante de Sarah, une scène où elle ne sera plus jamais l'actrice, la joueuse, la soucieuse, la vivante, et maintenant je ne sais plus rien dire de ce qui est advenu d'elle depuis qu'elle s'est arrachée du réel une nuit ou un matin.