mercredi, octobre 20 2010, 22:59
Pour zeroheure : I heard...
Par Lika Spitzer - Journal - Lien permanent
Par Emily Dickinson, le poème 591 (numérotation de Franklin) écrit en 1863 - Emily avait trente-trois ans. Le premier vers sert toujours de titre : elle n'en mettait pas.
I heard a Fly buzz - when I died -
The stillness in the Room
Was like the Stillness in the Air -
The Eyes around - had wrung them dry -
And Breaths were gathering firm
For that last Onset - when the King
Be witnessed - in the Room -
I willed my Keepsakes - Signed away
What portion of me be
Assignable - and then il was
There interposed a Fly -
With Blue - uncertain - stumbling Buzz -
Between the light - and me -
And then the Windows failed - and then
Icould not see to see -
Je donne quand même notre traduction à Barbara et moi pour ceux dont l'anglais est devenu paresseux. Et ensuite on pourra toujours fourguer celle d'autres traducteurs émérites... Quant au Roi, il faut quand même dire que la mort chez les Anglais est du genre masculin, il paraît.
J'ai entendu une Mouche - quand je suis morte -
Le calme dans la Chambre
Etait comme le Calme dans l'air -
Entre les sursauts de l'orage -
Les Yeux alentour - ils les avaient séchés -
Leur Souffle retenu
Pour le dernier assaut - quand le Roi
Ferait son entrée - dans la Chambre -
J'avais renoncé à mes objets personnels - cédé
Toute part de moi - qui pût être
Léguée - et c'est alors
Qu'est intervenue une Mouche -
Avec un bourdonnement Bleu - hésitant trébuchant -
Entre la lumière - et moi -
Et alors les fenêtres se sont évanouies - et alors
Je n'ai plus vu comment voir -
Chère zeroheure, je n'ai pas écrit Je ne savais plus comment voir parce que, après ce and then (que je n'avais pas donné) et ce passé composé que j'ai choisi plutôt que le passé simple, cela devenait plus naturel d'écrire je n'ai plus vu.... Et puis, l'histoire des deux see.. Mais vous aurez peut-être d'autres idées ? Les productions des stars de la traduction sont notablement différentes... Mais Emily Dickinson ne sera jamais assez traduite... Bonne nuit, zeroheure.
Etes-vous aussi une noctambule ?
P.-S. :Pour le premier vers, j'ai fait exprès de ne pas écrire le long "bourdonner". Emily l'aurait enlevé aussi, voyant le vers devenu trop long... Si on entend une mouche, c'est qu'elle bourdonne, non ? Là on touche du doigt le culot des traducteurs... J'avais écrit (culot, aussi) "grésiller" - plus court. Mais bon.
6 commentaires
Prem,s
Dès le premier vers les ennuis commencent déjà : vous entendez une mouche, et moi le bourdonnement d'une mouche.
Par la suite ça ne s'arrange pas : had wrung them dry, vous sautez à pieds joints sur le verbe. Et puis d'où ils sortent ces "ils". Moi, je n'ai vu que des yeux essorés à sec.
Voyons ce que dira Zeroheure.
Finalement cette Emily que ce soit en anglais ou en français elle est toujours aussi casse-tête.
Très bien, Putzi Ouane : je vais aller me casser la t^te dessus. C'est une traduction faite depuis des années, et j'aurais de répondre cette phrase de Nietzsche recueillie elle aussi depuis des lustres sur mon petit "cahier essentiel" en papier recyclé : "Ne me demandez pas les raisons de mes opinions. [...] Ce que j'ai vécu date-t-il d'hier ? Il y a longtemps que j'ai vécu les raisons de mes opinions. Ne faudrait-il pas que je fusse un tonneau de mémoire pour pouvoir garder avec moi mes raisons ?"
Mais je vais quand même partir à l'assaut de ce poème. Many thanks for your kind attention.
Miss Putzi, faut pas se décourager! allez vite lire ou relire les poèmes de Marina Tsvetaeva rassemblés dans "Tentative de Jalousie" (éditions "La découverte", je crois que c'est épuisé mais repris en poésie/Gallimard). La traductrice Eve Malleret y a rendu, avec la rime s'il vous plaît, le rythme incroyable, les phrases fragmentées, et les assonances de Tsvetaeva. Et comme Marina Tsvetaeva écrivit aussi en français, on a de quoi comparer (ça parait intraduisible!).
En jetant un oeil à la dernère strophe, je remarque
- des jeux d'assonnances: u puis e puis zz, et puis la rupture I could not see to see.
- et des jeux de mots: to stumble peut avoir le sens d'obstacle et celui de parler d'une façon hésitante avec des pauses et des erreurs (c'est pas moi c'est le dictionnaire), ce qui correspond au poème qui est une recherche (c'est le voir des fenêtres ouvertes sur la connaissance, non?), au vol de la mouche, et rappelle le mot uncertain qui le précède (je joue dans l'imaginaire, hein).
Du coup j'écris très vite à l'instinct:
hésitant bourdon bleu - peut-être -
entre les lumières (?) - et moi -
et puis les Fenêtres fermées - et puis -
je ne vis plus la vision
bof bof, hein? et il manque des mots.
@ Zeroheure : Hé ! pas mal zeroheure ! Oh là là, va falloir encore plancher sur tout ça... Merci !
Quant à Marina Tzvétaeva, c'est au Club des Poètes que je l'ai découverte en 1997. ("On a tout appris à Lika", plaisantait Blaise Rosnay - et c'était vrai.) Marcelle Rosnay, l'épouse du poète Jean-Pierre Rosnay qui nous a quittés en décembre dernier, disait - et dit toujours - admirablement "Tentative de jalousie" ! ainsi que les poèmes de son mari - et de tant d'autres... Halina Posviatowska, m'a sidérée aussi, et Fernando Pessoa et Nazin Hikmet, et, et, et...! qu'au Club les comédiens disent toujours par coeur. Bon, j'arrête ça, je deviens rasoir.
Veuillez m'excuser, mais je crois qu'il vaut mieux que je vous laisse entre vous, les nanas !
Cela dit, mademoiselle Zeroheure, je m'aperçois avec délices que vous pourriez me plaire ! Intellectuellement veux-je dire. Excusez-moi de préciser ce genre de chose, mais par les temps qui courent ( très vite), cela me paraît indispensable pour couper court à tout malentendu.
@ zeroheure : je relis votre proposition pour la fin de ce poème. Cela m'intéresse au plus haut point. je vous dirai pourquoi. Sur un mail. Habitez-vous Paris ? Quoi qu'il en soit, ce serait un bonheur pour moi de travailler avec vous. Car ce que vous proposez correspond à ce que j'ai découvert - et dont personne ne parle. Ce sera dans la préface de notre modeste livre. J'ai intérêt à me dépêcher : ma santé me joue des tours.