lundi, octobre 18 2010, 21:00
Emily Dickinson, encore... Help !
Par Lika Spitzer - Journal - Lien permanent
Poème 1727 (non daté)
Sometimes with the Heart
Seldom with the soul
Scarcer with the might
Few - love at all
Parfois avec le Coeur
Peu souvent avec l'âme
Plus rarement encore avec force
Peu - aiment en fait
J'ai repris nos traductions d'une cinquantaine de poèmes d'Emily Dickinson. Le bonheur. Mais cuisant. Voilà pourquoi "je n'alimente pas mon blog", comme on me le fait remarquer.
Barbara qui a travaillé avec moi me laisse sans nouvelles. Tant pis, je continue toute seule. Avec ça, même pas bonne en anglais. Obligée de charcuter chaque vers avec l'aide de mes dictionnaires... Mais la facilité est "glissante" alors que mes manques me font des myriades de clous aux souliers.
Le dernier vers du poème 591 nous avait donné bien du fil à retordre. Et aujourd'hui je cherche encore. Je n'ose pas vous embêter avec le poème tout entier. Il commence ainsi :
I heard a Fly buzz - when I died -
et, la Mouche, s'interposant entre la lumière et elle, le poème se termine par
I could not see to see -
Notre Je ne pus voir pour voir - ne me plaisait pas. On a tellement envie de deviner le sens sans rien fausser... Françoise Delphy a traduit ce vers par Je ne vis plus assez pour voir - Elle vient de faire éditer chez Flammarion, en bilingue - un livre magnifique - les 1789 poèmes d'Emily Dickinson ! Un cadeau inestimable, car chaque traducteur avait, soit sa propre numérotation, soit celle de Johnson, soit celle, plus récente, de Franklin, soit pas de numéro du tout. Un vrai labyrinthe.
Patrick Reumaux, grand spécialiste d'Emily Dickinson, s'était décidé pour Et j'ai perdu la vue de vue - Pierre Leyris (un grand, aussi) : Je perdis le pouvoir - de voir - Et moi, mosquito, je me risque à écrire : Je n'ai plus vu comment voir - Je me demande ce qu'en penserait Barbara, Barbara Bergerac qui, m'a-t-ton dit, est sur Face-Book... (Je ne suis pas sur Face-Book : pas commode...) Help !
Et pardon de vous avoir embêtés avec tout ça. Les puissants antalgiques font leur effet. J'arrive à tenir assise une heure ou deux, mais peut-être qu'écrire ce billet, c'est dérailler un peu ?
P.-S. :Eh ! Je me suis dit tout à coup que dans "Car l'adieu, c'est la nuit", choix de poèmes traduits par la non moins grande Claire Malroux, édité en bilingue par Poésie/Gallimard, je trouverais probablement I heard a Fly - when I died - En effet. Claire écrit pour le dernier vers :
Je perdis le pouvoir - de voir - Pas mal, non ? (Mais que penserait Emily de nous tous ?)
Pas évident, hein, tout ça... Je file "m'étendre", comme disait maman. Et merci pour ceux qui sont arrivés jusqu'au bout de ce billet.
16 commentaires
Puisque tout le monde a l'air de pouvoir dire la sienne, voici la mienne :
J'ai perdu la vue et la vision.
Oh merci Putzi Ouane ! J'attendais des idées.
Certains vers vous tracassent des heures, des jours, des mois, voire des années. Et comment être vraiment content, quand on est obligé d'infléchir les mots vers d'autres pour que le vers ait du sens... ? Je me demande pourquoi j'adore ça.
Ma première idée était de dire : cette Emilie, quelle enculeuse de mouches !
Peut-être en êtes-vous une autre, sauf le respect que je vous dois !
Dommage, je n'ai pas le poème d'Émilie Dickinson sous la main. Comment choisir le sens? Du coup voici plusieurs traductions "imaginaires":
je ne vis plus la vision
je ne savais plus comment voir
je perdis le savoir de voir
et il y en a une autre qui s'est échappée autour du sens "comprendre comment voir"
PS: ça m'est venu comme ça, pour conserver la brièveté du 1727:
Parfois avec le Coeur
Peu de fois avec l'âme
Et de rares fois avec force
Peu - aiment en fait
@ Putzi Ouane : A ceux et celles qui sont arrivés à lire le billet jusqu'au bout, on peut tout pardonner. Et s'il y a, en plus des idées de traduction, on va même se risquer à un bisou.
@ zeroheure : Bonjour, zeroheure ! et bienvenue ici ! Merci de ce cadeau inespéré ! On devrait proposer toutes nos traductions aux amis de nos blogs ! Je n'osais - et n'ose pas encore - mettre le poème en entier (sauf si plusieurs me le réclament, ou bien seulement vous, car vous le méritez bien !!!) Votre "Je ne savais plus comment voir" m'a vraiment plu ! Qu'en dirait naughty Putzi Ouane ?
Il est vrai que quand le vers anglais est court, on tâche de ne pas faire trop long en traduisant. Essayer de garder tout ensemble la musique, le rythme et le sens, c'est ça qui est excitant. D'autres préfèrent les mots croisés. Chacun son truc, comme on dit, hein ?
@ Oh, zeroheure ! Je n'avais remarqué que votre traduction différait de la mienne, pour "Seldom with le soul" ! C'est Très chouette.
A tout le moins, ce vers commence par "je", tout le monde est d'accord. Les choses se compliquent vers la fin.
"voir" semble incontournable. Mais comment rendre le coulant de "see to see" avec ce "r" presque espagnol dans le très littéral "voir pour voir"? En m'amusant avec des synonymes (see-to-see, C2C, qui est, en passant, le nom d'un agréable collectif d'électro que me conseilla mon cousin) je passe en français à un effet équivalent, non pas dans "c'est-d'eux-c'est", mais dans BoDeBo, le nom d'une marque de vêtements pour enfants. BoDeBo, B2B, see-to-see.
C'est le même constat je pense, qui t'amène à "vis comment voir". En effet, plus de "r" qui traîne en entrave devant le c de comment (car tu conjugues) ni devant le v de voir! Malheureusement, on perd en symétrie.
J'entrevois donc le diagnostique : 1) nécessité de syllabes simples, sans "r" en embûche. Voilà qui bannit "voir pour voir", "pouvoir de voir", etc. On proposerait bien "ne vis comment voir", "ne pouvais y voir" mais : 2) nécessité de symétrie forte. Ce qui nous amène à la solution de Reumaux "vue de vue" qui est bien sauf le "perdu" avant.
Je proposerais donc bien en définitive quelque chose à base de "voir à voir" comme "je ne pus rien voir à voir", qui se coule convenablement. Mais je préfère tellement la critique!
Pour résumer, le schéma sonore semble devoir être suivant : [consonne simple] [v] [voyelle] [consonne simple] [voyelle] [v] [voyelle] [consonne optionnelle]. Ces exemples y répondent : "vue de vue", "je ne vis à voir", "avoir à vue", "avoir en vue", "vue de voir", "à vous de voir", "envie de voir", "avoir à voir"...
Le diagnostique
Help, as you say !
I read Arthur and it ended by an horrible head ache !
Help !
Je vois qu'un de mes commentaires a disparu dans un cul de basse fosse du web, sans doute.
Je le reprends donc car il répondait à la traduction de Zéroheure :
"Je ne savais pas comme voir" et je me suis dit qu'on pouvait, pour imiter Emily avec ses deux "see", ecrire :
Je ne voyais pas comment voir.
Mais je me demande si ce commentaire n'est pas obsolète depuis qu'Arthur nous a servi son discours sur le sujet ?
@ Arthur : Hello Arthur ! Enchantée de ta visite ! Ce que as écrit m'a beaucoup intéressée; avec un second paragraphe bien plaisant...
Si ce n'était que je ne recherche pas de diagnotic ( je l'écris "à la moderne"), mais plus concrètement un "vers-solution" pour terminer la traduction de ce poème.
La symétrie, je la respecte (rappelle-toi ma tristesse à découvrir que dans la langue française, "grand arroi" , si majestueusement symétrique, ait été évincé au profit de "grand équipage"). Mais préserver la symétrie dans la traduction d'un poème me paraît moins essentiel que : parvenir à restituer la force spirituelle du sens (pardon pour ce genre de phrase que je n'aime pas trouver dans les livres).
@Putzi Ouane :Ta proposition, chère Putzi Ouane, n'est pas obsolète, mais bienvenue.
Et à côté de ton "Je ne voyais pas comment voir", je placerais "Je ne voyais plus comment voir", pour voir...
Quelle merveilleuse récolte ! Si je m'attendais... ! La gratitude fait du bien à mes os...
En conclusion à tout ceci, je dirais : "Faut voir !"
Putzi, t'es vraiment une marrante.
je réclame le poème complet! sinon je continue à inventer des traductions, tout aussi imaginaires que celles d'Arthur (Putzi, préparez l'aspirine)
Oh, merci, zeroheure ! J'adore votre humour ! je vais donc me mettre à la tâche, profitant d'un propofan qui pourra me tenir assise, le temps de placer le poème. Merci !
A voir tout cela, je reste sans voix!
Reste à voir ce que ma voix peut encore croire de ce qu'elle voit...
je ne vois pas ce que ma voix peut encore dire! Désolée.
@ Charlotte : Quand je ne sais plus que penser, je demande conseil à mes chats dont le regarde pertinent m'enseigne...