Chez Gisela, j'ai feuilleté un livre de poèmes.  C'est Robert Walser qui l'a écrit en 1909. La traductrice a eu une drôle d'idée de l'appeler : "Au bureau" car l'eau-forte de la couverture montre un jeune homme à pantalon rayé paressant sur un banc de parc, mais déjà prêt à répondre vertement à celui qui lui demanderait pourquoi, à cette heure du jour, il n'est pas à son bureau. Maintenant je vois que le premier poème a pour titre "Au bureau". Mais je vois aussi que dès le premier vers il est question de la lune :
"La lune jette sur nous un regard
elle me voit pauvre commis
dépérir sous l'oeil sévère
de mon chef".
Au dernier vers, il est encore question de la lune ("La lune est la blessure de la nuit"). Et jamais de bureau.
Je n'ai pas eu l'idée de demander à Gisela pourquoi Robert Walser avait transformé un poème en bureau, et sa traductrice, le livre entier. Comme elle était occupée avec une cliente qui cherchait des livres de théâtre pour l'anniversaire de son fils, j'ai feuilleté un bon moment ce petit volume. Et si je l'ai acheté, c'est à cause d'une étoile dont Robert Walser disait une chose vraiment jolie.
Or ce soir, j'ai eu beau parcourir tous les poèmes,  je n'ai pas retrouvé cette étoile. Robert Walser en a effleuré quelques autres avec grâce, je ne dis pas, mais je n'ai pas reconnu la mienne. La neige m'a consolée un peu, dont il parle avec cette simplicité fervente qui n'appartient qu'à lui. Mais où est mon étoile ? Tous ces poèmes semblent tristes sans elle. Malgré la neige.