L'ovale de son visage est d'un enfant. Elle vient de divorcer. Elle est sans argent. Elle ne sait pas ce qu'elle va devenir.
C'est Marilyn, vers le début du film The Misfits.
Les doigts réunis de la main droite, posés sur la table, me donnent à penser qu'elle essaie de faire le point.
Cette image, trouvée probablement dans un magazine, je l'avais punaisée près de notre lit. Mon compagnon d'alors n'en était pas ravi, mais j'avais tenu bon. La tristesse pensive de Marilyn, sur cette photo, je la reconnaissais. Elle nous liait.
Que pouvaient pour cette jeune femme, ces types postés derrière elle, ou même cette copine au premier plan, qui semblait penser : "c'est pas gagné, on dirait".
Il me semble aujourd'hui que l'objet noir, qui enferme le chignon blond de Marilyn dans une sorte filet, répond au noir vainqueur du cendrier. Entre les deux, il y a elle, fragile, impuissante, prisonnière du monde américain des années 50.

J'ai perçu, un jour, dans le visage de Béatrice Dalle, cette sorte de tristesse-là. C'est pourquoi elle aussi, je l'aime.