samedi, août 21 2010, 20:43
The Misfits
Par Lika Spitzer - Journal - Lien permanent
L'ovale de son visage est d'un enfant. Elle vient de divorcer. Elle est sans argent. Elle ne sait pas ce qu'elle va devenir.
C'est Marilyn, vers le début du film The Misfits.
Les doigts réunis de la main droite, posés sur la table, me donnent à penser qu'elle essaie de faire le point.
Cette image, trouvée probablement dans un magazine, je l'avais punaisée près de notre lit. Mon compagnon d'alors n'en était pas ravi, mais j'avais tenu bon. La tristesse pensive de Marilyn, sur cette photo, je la reconnaissais. Elle nous liait.
Que pouvaient pour cette jeune femme, ces types postés derrière elle, ou même cette copine au premier plan, qui semblait penser : "c'est pas gagné, on dirait".
Il me semble aujourd'hui que l'objet noir, qui enferme le chignon blond de Marilyn dans une sorte filet, répond au noir vainqueur du cendrier. Entre les deux, il y a elle, fragile, impuissante, prisonnière du monde américain des années 50.
J'ai perçu, un jour, dans le visage de Béatrice Dalle, cette sorte de tristesse-là. C'est pourquoi elle aussi, je l'aime.
13 commentaires
Youpi!!!! T'es pas disparue!!! (J'ai eu peur, comme un trou noir que ça m'a fait!!)
Noires encore la robe et la bretelle du soutien-gorge, — et noir aussi le regard qui va loin, bien loin, aussi bien en arrière vers son passé (tu as raison, elle fait le point) qu’au devant de sa vie, dans une sourde absence à son propre devenir. Il y a une feuille de papier sur la table, quelques notes, un synopsis peut-être ? comment fait-on pour n’être plus malheureuse ?
@ euphrosine : Moi aussi, j'ai eu peur. Impossible de dormir sur nos deux oreilles avec l'informatique. Quelquefois je regrette ma bonne vieille machine à écrire en fonte, et ses rangées de lettres (émail entouré de métal ?) étagées comme les sièges des théâtres de plein air...
Le trou noir, n'a été en définitive qu'un petit trou dans notre porte-monnaie. J'avais rempli tout l'espace disponible. Et on a eu besoin de ma carte bleue... !
@ Larry Fleyt : Oui, tu as raison, Larry, pour la robe et la bretelle. Mais le noir du cendrier m'a frappée parce qu'il était brillant : attirant mon attention au point que je n'ai pas "vu" la feuille de papier ! Et la chose dans les cheveux me paraissait plus noire d'être placée dans cette blondeur lumineuse.
"Comment fait-on pour n' être plus malheureuse ?" demandes-tu... Ah, là là, c'est un bien long voyage... dont certaines ne reviennent pas... Et toi, Larry, qu'en penses-tu ?
on lui mettrait bien 9 sur l'échelle de la mélancolie...oui plus mélancolique que triste à mes yeux...
Lika,
Je vois le regard et l'attitude de centaines de milliers de femmes. Quand elle se
posent un instant, et cessent de vibrionner. La beauté de Marilyn en moins...
Je tente d'écrire un commentaire...tu n'as pas dû recevoir le précedent
Ce texte est trop triste pour moi en ce moment.J'ai beaucoup de soucis avec Pierre.Je me sens très fatiguée.
Je ne t'oublie pas, chère Lika.Tu devais me téléphoner.Si tu ne l'as pas fait, c'est que tu es toi-même très lasse?
Je t'embrasse
Thérèse
@ Pierrot : Pour l'avoir vécu, Pierrot, j'ai appris que certaines personnes, on les voit juste mélancoliques, alors qu'elles sont AU BOUT du rouleau. Mais peut-être que cette mélancolie "à l'échelle 9", dont tu parles - plus grave que la tristesse -, est celle que décrivent les psy ?
@ Colibri : Oui, Colibri, bien sûr...
J'ai bien aimé le terme "vibrionner"...
@Thérèse : Bon, un hasard que je t'aie appelée avant de lire ton commentaire. Je ne vais pas tous les jours sur les blogs, tu sais.
Bien sûr, un téléphone, c'est toujours dérangeant. Mais j'aime être dérangée par quelqu'un que j'aime. Comme si tu ne savais pas !!
Lika,
Je viens de reregarder cette photo et je fais quelques recoupements. Il me semble que
"Les Misfits", c'était en 1961, et elle est partie en 1962, ça j'en suis sûre car c'était
juste avant mon mariage, j'avais 19 ans , c'était un mois d'août et l'annonce de sa mort
m'avait sidérée. Et au fil du temps, j'ai lu des articles, des biographies ... Je ne
crois pas que marilyn ait été mélancolique, très perturbée, oui, très fragile certainement
mais pas mélancolique au sens psychiatrique. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que
le milieu du cinéma ou elle évoluait n'a pas arrangé les choses. Quant à la psychanalyse, à la façon dont elle est pratiquée aux US, je crois qu'on est à des
années lumière de l'orthodoxie freudienne. Et que penser de ce psy qui l'accueillait
dans sa famille ! Je suis assez bien placée pour apprécier les conséquences du
mélange des genre dans ce domaine.
Je ne sais pas trop pourquoi j'écris tout celà, moi qui n'arrive pas ces jours-ci
à écrire quoique ce soit de satisfaisant, comme assommée d'une lourde inapacité
à sortir de moi... Alors je m'absorbe sur cette jolie photo.
Je te fais une grosse bise de quatre heure, chère Lika espérant ne pas te transmettre
ma lourde lourdeur
@ Colibri : Un Colibri c'est très pudique, il ne peut donc transmettre aucune lourdeur. Il est fabriqué comme ça.
Ce que tu dis de Marilyn, du point de vue psychiatrique, est probablement juste, mais sa vie était cependant en danger, au moment où le film a été tourné. Moi aussi, je me rappelle cet été-là (je vais placer maintenant un texte écrit quelques années après, en 1964, je crois : "Je me souviens" où je parle de cet été-là...)
Ma vieille amie Thérèse ne va pas être contente. Elle sait pourtant qu'avec elle je suis toujours gaie. Cela tient à son caractère inénarrable...
Demain, Colibri, Phil et moi partons pour Antibes dans la maison de mon amie d'enfance, Mireille. Bonheur.
Je t'embrasse, Colibri.
Merci, chère Lika pour cette magnifique photo. Je crois que toutes les femmes peuvent s'y reconnaître à un moment ou à un autre de leur vie... Je l'ai posée sur le piano, sous le portrait de Julien qui tient lui aussi sa tête dans ses deux mains, parce qu'il me semble que les hommes aussi peuvent s'y reconnaître.. Et s'en inspirer! Prendre le temps de regarder ce qui SE PASSE avant de retrouver un nouvel élan pour...AGIR. Je t'embrasse
"Agir" ? Je n'aime pas beaucoup ce mot. Voyons... qu'est-ce que je dirais à la place ? Rien, en fait. Je m'arrêterais au mot "élan".
Le poème de Michaux "Agir, je viens" me plaisait beaucoup. Mais aujourd'hui je vois qu'il y avait, dans ce poème, une naïveté un tantinet... présomptueuse. Ah, toutes ces transformations qu'il voulait opérer pour l'aimée ! Le dernier vers, était, si je me souviens bien : "J'ai lavé le visage de ton avenir."
oui je parlais bien de cette mélancolie, celle si noire qui s'enroule au fond de ta gorge et te noues, lentement, surement...tu sais de quoi je parle
@ Pierrot : Non, Pierrot. Ma mélancolie était... brumeuse. Ce qui peut me nouer la gorge, c'est le chagrin.