jeudi, juin 17 2010, 18:06
Manque de... veines
Par Lika Spitzer - Journal - Lien permanent
"Qui voit ses veines, voit ses peines."
Je pose mes deux mains symétriques devant moi, et une fois encore, je note que les veines de mes mains, de mes bras, sont très différentes d'une main à l'autre, d'un bras à l'autre. Pas du tout symétriques.
Petit souvenir professionnel, je remarque la veine trop bleue sur le dos de ma main gauche (attention, si on voit le sang à travers, c'est qu'elle est fine, elle "claquera" facilement). Celle-là, on ne la piquera pas, ou alors - si on ne trouve pas mieux ailleurs - il faudra ne laisser le garrot serré que quelques secondes... Je remonte, je vois une veine plus pâle, plus ferme sous le doigt, qui part du poignet en ligne presque droite, cette autre veine solide aussi, sur le dessus du bras, pourvue d'affluents, où je pourrais poser un cathlon 16 (celui qui permet les transfusions), j'imagine le pansement que je ferais...
Oui, cela me manque de ne plus poser de perfusions. Les retraités regrettent, bien sûr, de ne plus accomplir les actes qu'ils réussissaient bien.
7 commentaires
oh la la!!! la dernière perf que j'ai eu sur la main!!! j'étais bleue jusqu'à mi poignet!!!! l'horreur!!!!!
Poser une perfusion! Le sentiment d'efficacité immédiate qui y est associé, injecter la vie , dissoudre la souffrance, guérir... Et comme l'accomplissement de sa toute puissance en marche qui vous envahit... Evidemment, que je t'entends, tu penses. mais ce ne sont pas les retraités en géneral qui souffrent de ne plus pouvoir accomplir les tâches qu'ils réussissaient bien, nous avons là affaire avec des désillusionnés du fantasme obsédant de remplacer Dieu en ce bas monde.... Enfin, c'est ce que je pense, parce qu'entre nous soit dit, une perf de plus ou de moins, ça n'a jamais fait une vie de plus ou de moins...(Si?) En revanche, un mot de plus ou de moins, un geste tendre, une oreille attentive etc... toutes choses accessibles à tous les retraités du monde...ça, OUI, ça peut tout changer... Non?
@ Boutfil : Je n'ai jamais produit un tel résultat sur personne et chui fière de le dire ! Les veines qu'on voit bien ne sont pas les meilleures. J'en ai eu des prises de sang, et des bleus. J'ai beau dire : ne prenez pas celle-là, rien à faire, parfois...
@ Charlotte : Mademoiselle Charlotte, je vais répondre à ton (Si ?) : le cathlon 14, qui permettait (j'écris au passé, parce que je sais que les temps changent) de passer du sang au jouvelet - un processus qui accélère artificiellement la rapidité de la perf. - par exemple en cas de rupture utérine, en attendant que l'anesthésiste pose sa jugulaire ou sa sous-clavière, bien sûr que ça pouvait sauver une vie ! On n'a que, disons cinq litres de sang dans le corps, et sais-tu que les femmes peuvent en perdre trente, en attendant d'être recousues, donc faut y aller ! A mesure qu'on perfuse, elle saignent !
Je suis d'accord avec toi pour les mots, les gestes tendres, mais quelquefois, ce n'est pas le moment... T'es pas sympa. Je vois que je n'ai même plus le droit de regretter le temps où mon cher Antoine (voir dans ce blog "Antoine, jamais") me disait : "Toi, tu vas sûrement lui trouver une veine..." - et c'était pour moi un tel cadeau !
Mais bien fait pour moi. J'avais qu'à pas me vanter.
Chère Lika, tu as raison, comme d'hab. mais tu sais, depuis 36 ans(!) que j'exerce ce métier, je me réfugie de moins en moins derrière ma toute puissance... Ce n'est que dans la modestie de mes idéaux que je commence-un peu- à devenir une bonne soignante, aussi je ne peux donner de leçon à personne...Tu vois? A part ça, tu ne te vantes pas, je peux en témoigner. Et je t'embrasse. Quant à Antoine, il n'avait pas tort, et cela concernait aussi ta façon de trouver toujours quelque chose de surprenant et d'intéressant à dire ou à faire pour les autres.... Nous, on en a eu de la veine, de t'avoir rencontrée!
@ Charlotte : en fait, je n'avais pas perçu nettement de quoi il était question dans ton billet. Juste une impression que ce n'était pas gentil. Pas envie de regarder à la loupe. Et vla maintenant que le vent tourne...( Luther aurait-il eu raison d'avoir dit : "L'esprit humain est comme un homme ivre à cheval. Relevez-le d'un côté, il retombe de l'autre" ?) Laissons donc tomber les compliments et les piques. Suis trop usée, en ce moment. Ebrouons-nous... C'est l'été, paraît-il. Joue-moi plutôt l'Intermezzo du Carnaval de Schumann... Ca oui, ce serait chouette !
Je me souviens du temps où je travaillais comme éducatrice spécialisée dans un centre de soins pour toxicomanes, à metz. Il y avait une Charlotte, infirmière quelque part, qui avait un don. Elle parvenait à prendre du sang (j'allais écrire "sans") aux bébés et aux vieillards fragiles. Elle était également la seule à bénéficier de la confiance des gens que je réussissais à grand peine à lui adresser pour rechercher d'éventuelles saloperies bien mortelles dans leur corps. Car mes grands injecteurs de poisons en tout genre étaient paradoxalement terrifiés à l'idée qu'on touche à leurs veines. Elle écoutait leurs conseils, piquait là où il fallait, avec douceur et gentillesse, sans jamais porter de jugement, rassurante. Je regrette de ne l'avoir jamais rencontrée en personne. Je ne la connais que par la reconnaissance exprimée dans les mots des personnes que je lui envoyais.
Oui, cette infirmière dont tu parles devait être très attachante... Quand je travaillais de nuit aux Urgences Mater-Gynéco, les patientes les plus difficiles étaient les toxicomanes, oui. Quand j'avais à les perfuser, elles se moquaient de moi parce que je trouvais pas tout de suite la bonne veine - il fallait placer un cathlon plus gros que les petites aiguilles dont elles se servaient. C'était l'angoisse, sûrement, qui les rendait agressives. Des mômes de même pas vingt ans. Une fois rassurées, elles s'excusaient quelquefois. Et cela t'étonnera peut-être, les patientes les plus timides, les plus discrètes, les plus confiantes, étaient les prostituées... Oui. Elles arrivaient à 4 H du mat après le boulot. Leur mac attendait dans la salle d'attente, refusant l'hospitalisation quand elle était nécessaire. A grands cris, mais en vain. Non mais.