Maman avait jeté sa cigarette au bord de la route quand le monsieur de l'hôtel nous avait aperçues marchant le long du champ de blé avec nos sacs de plage et nos bouées. Dans le lointain, à travers la lunette arrière de la voiture, quelque chose s'était mis à briller. Maman était certaine de voir un feu. Sa cigarette, elle en était sûre, avait mis le feu au champ. Il fallait rebrousser chemin, aller éteindre l'incendie.
Mais le monsieur ne voulait pas s'arrêter. Il ne voyait pas de feu. Il continuait à conduire à son rythme sur cette ligne droite, on ne pouvait pas le décider. Ensuite il disait qu'il n'était pas pompier, que si feu il y avait, ce feu était sûrement déjà trop grand pour que nous puissions faire quoi que ce soit, il tenait ce genre de propos.
- C'est moi qui ai mis le feu dans le blé, s'obstinait notre mère, je DOIS aller l'éteindre.
Devant la détermination de maman, le monsieur à contrecoeur avait fini par faire demi-tour; et nous avons affronté ensemble le rectangle crépitant. Le soulier à la main, de toutes nos forces nous avons tapé, tapé, écrasé les flammes - maman du côté dangereux où gagnait l'incendie, consciencieuse et résolue, les lanières de sa chaussure blanche volant dans les airs; donnant des ordres, et l'exemple.
Nous avons éteint le feu; et puis nous sommes repartis en silence. Le monsieur n'est pas devenu un ami. A lui, le rectangle sévère dans les blés, noir et nu bord de la route, ne rappelle peut-être pas un bon souvenir. Et cette année encore, maman est restée seul dans sa chambre à fumer et fumer en se parlant à elle-même.