mercredi, mars 3 2010, 12:01
Amants
Par Lika Spitzer - Textes épars - Lien permanent
Tout en me préparant pour sortir - crème, fond de teint, maquillage devant la glace - je pensais à la sexualité chez Cévenne, comparée à la sexualité chez Olivier. Il semble que tous deux redoutent le plaisir féminin, mais de façon diamétralement opposée. Le premier l'entrave par des brutalités intempestives ; le second par des tendresses intempestives. Curieux. Une sorte de mauvaise volonté de cancre les pousse, chacun à sa façon, à inventer des écarts pour contrer mon espérance, comme on évite les flaques d'eau dans les sentiers, au cours des promenades.
Alain au contraire plongeait dans l'amour jusqu'aux oreilles, il pataugeait dans la bonne boue du sexe comme un porc, si bien que soi-même on finissait par se sentir étrangement animalisée, sous lui... et qu'il fallait ensuite, à tâtons, rechercher, en même temps que sa chemise, son âme, abandonnée froissée sur le dossier d'une chaise.
Quant aux êtres enfin, avec qui j'ai connu un bonheur du corps, du coeur et de l'âme, ces amants se sont envolés. Que redire à cela ?
Ce sont amis que vent emporte
Et il ventait devant ma porte
Les emporta.
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6 commentaires
C’est très étrange, pour moi, cette façon qu’a la narratrice de « relire » ses nuits d’amour, — en comparant les prouesses amoureuses de ses compagnons. Serions-nous jugés là aussi ? devrions-nous nous composer un rôle d’amoureux ? Pourquoi, tout de suite, qu’ils fassent blanc ou noir, les hommes redouteraient-ils donc le « plaisir féminin » ? Il ne viendrait jamais à l’idée de personne de dire d’une femme qu’elle « redoute » le plaisir masculin… Ah, tout cela est bien énigmatique… aussi énigmatique, n’est-ce pas ? qu’on puisse tout de même laisser s’envoler devant la porte ceux qui avaient trouvé la clé d’une totale et heureuse complicité (le corps, le cœur et l’âme !)… Le vent n’emporte que ce qu’on lui laissa prendre, et Rutebeuf reconnaît que « Pauvre sens et pauvre mémoire M’a dieu donné »… Toto.
Je suis contente qu'il y ait eu au moins une réaction, cher Toto. Ne confonds-tu pas jugement avec constatation ? Avec, aussi, intuition... ? Et puis composer un rôle d'amoureux ? Ce serait pire que tout.
Tu parles aussi d'idées qui ne viendraient à personne. Même si tu avais raison, j'en serais honorée, j'aurais donc des idées originales ?
Mais point de plaisanterie : quand tu dis que "le vent n'emporte que ce qu'on lui laisse prendre", c'est FAUX.
Rappelle-toi le film "Les chemins de la Haute-Ville" (celle dont "le vent" avait emporté l'amour était Simone Signoret, j'ai oublié le nom du réalisateur) et tu pourras peut-être comprendre qu'il y a des hommes qui renoncent à l'amour qu'ils éprouvent pour une femme qui ne pourra jamais les aider à "réussir", pour épouser sans amour une femme riche appartenant à un rang social élevé.
Le vent dont parle Rutebeuf, cela peut être beaucoup de choses.
Peut être est-ce l'envie d'être une maitresse qui pousse à l'envie d'enseigner à nos amants le chemin d'un hypothétique accordage, tandis qu'un accordage qui ne serait pas le signe de notre excellent travail serait facilement oublié? Un peu comme l'enfant moins doué ou moins scolaire mais qui grâce à une attention et une ténacité particulières obtient malgré tout son diplôme. La maîtresse s'en souviendra.
Lika, je n'arrive pas à me taire.
Pourquoi vous taire, Euphrosine ? Au contraire, j'aurais aimé que vous développiez un peu plus votre point de vue. Je crains de ne pas comprendre...
J''ai réfléchi à ce texte qui a déplu à un ami... En fait, les histoires dont je garde un souvenir ébloui sont celles qui n'ont pas duré plus d'un an ou deux - quelquefois moins.
très beau texte...
Merci Raoul