Pas bien grande, des vêtements cossus. Permanente nuageuse et figée de septua-octogénaire. Elle se poste devant tout le monde pour entrebâiller son sac, farfouiller dedans, croasser je ne trouve plus mon argent, faire tinter quelques pièces blanches avec ostentation dans le coffret. (Ce coffret, les deux musiciennes l'ont posé sur les plis d'une veste brodée déposée devant elles à même le sol du couloir de métro.)

— De quel pays viennent-elles, ces petites ? demande tout haut la vieille, sans paraître remarquer qu'elle dérange tout le monde. D'un pays slave, j'en suis sûre !

— Elles sont ukrainiennes, dis-je à voix basse.

— Oui bien sûr... Et de quel instrument jouent-elles ? Ce ne sont pas des balalaïkas, on voit bien...!

Elle s'adresse à chacun à la ronde, comme si elle négligeait que ce n'est pas elle qu'on veut écouter.

— Bandonéon, fais-je, et chut... ! (j'ai glissé un poignard dans mon murmure; et mon autre voisine de me sourire).

— Ah, un bandonéon, reprend la vieille toujours vivante. Mais oui ! Un instrument classique... elles jouent d'ailleurs du classique...

— Chants folkloriques.

— Mais du folklore classique, s'écrie l'increvable démon - qui me tourne le dos et s'adresse à une dame d'allure posée, arrivée là depuis quelques instants : et Ukrainiennes, et bandoura, et patati et patata...

Les chants étaient une merveille.