jeudi, février 11 2010, 16:05
Méthode : un mot étranger
Par Lika Spitzer - Journal - Lien permanent
Recherchant un texte dans de très anciens cahiers, je me mets parfois à en relire certains passages. Quelle misère d'avoir changé si peu. Tant d'années passées à essayer d'élucider les raisons de tous ces trous dans la coque du bateau ! Et pour quel résultat ?
Or voilà que je découvre que j'ai acquis de la méthode.
De la méthode ! Je n'en reviens pas. "Tu n'as pas assez de méthode". Voilà ce que j'entendais toujours. Un mot qui ne voulait pas de moi - ou l'inverse. Un mot-échafaudage qui allait écraser les grenouilles de ma mare, les faire s'enfuir irrémédiablement.
"Mais non, ici, voyez-vous - essayait de dire une petite voix dérangée au fond de moi - ici, les événements ont d'autres lois, c'est un pays où le mot "méthode" est une monnaie étrangère dont aucune banque ne voudra, désolée. Reprenez votre mot, nous ne pouvons rien en faire. Méthode ! Oui, j'en conviens, c'est un mot respectable, sa gravité m'impressionne, je suis convaincue qu'il peut rendre d'immenses services (j'ai voyagé, vous savez), mais ici, ici décidément, il est inutilisable. Si vous le laissez traîner dans les parages, non seulement on ne l'utilisera pas, mais il va se faire piétiner, alors qu'il peut faire des miracles ailleurs. Remettez-le dans vos bagages, et partez, croyez-moi."
Ainsi parlait ma petite voix dérangée.
Or aujourd'hui, ce mot je l'ai accueilli, il a pris sa place dans ma vie. Je vous en dirai plus une autre fois. Sachez seulement que c'est un événement.
10 commentaires
En voilà une nouvelle qu'elle est intéressante ! Mais j'attends quand même la suite avant de me réjouir trop vite.
C'est vrai qu'il paraît qu'on peut confondre "vitesse" avec "précipitation". Je ne sais pas trop avec quoi on peut confondre "méthode" ?
Faut voir !
Tu me fais rire, Putzi Ouane, et c'est bien agréable.Il n'y a pas que toi qui attends, moi aussi, à vrai dire.
Avec quoi on peut confondre méthode ? Mais avec organisation, voyons. Et toc, chère Putzi Ouane..
Les élèves d'aujourd'hui bénéficient de retombée de " méthodes" et c'est vraiment de l'ordre du merveilleux; ex: en mathématiques nous raisonnions et à l'aide de raisonnements nous pouvions résoudre un certain nombre de problèmes. L'inconvénient c'est qu'il fallait tout le temps reprendre le travail à zéro et refaire le raisonnement. Maintenant, les élèves ont acquis des "méthodes" c'est à dire que le raisonnement est fait une fois et le prof donne des "trucs" pour savoir résoudre des problèmes similaires, ces " trucs sont des "méthodes" et tu vois des élèves pas surdoués mais qui sont capables de résoudre avec la méthode une similitude de problèmes sans effort.
J'hésite à t'envoyer ceci, mais j'ai tellement été agréablement surprise par des manières nouvelles ( peut-être n'est-ce pas si nouveau?) de travailler en particulier de Morgane que j'ai eu envie de faire ce commentaire.
Bises.
Mireille
Mais je suis enchantée de tes commentaires, et de celui-là, en particulier. Pour moi, l'univers des sciences a quelque chose d'aussi magique que l'univers artistique - et peut-être plus, parce que cela est entouré de plus de mystère encore. Le peu que j'en perçois ce soir éveille ma curiosité : tu viens de m'offrir une petite clé inconnue, et me sens devenir Alice au Pays des Meveilles.
Je découvre grâce toi qu'il y a un fossé entre méthode et organisation... (Morgane a de la chance de ne n'être pas tombée sur une grand-mère comme moi !).
Quant au mot méthode dans ma vie, il est encore trop vert : pas encore comestible par mes neurones. J'attends qu'il soit mûr.Je t'embrasse de tout mon coeur.
@ Mireille
Est-ce qu'il n'y avait pas déjà un truc , dans le temps, où devant une formule algébrique très longue et très compliquée on nous expliquait qu'en définitive ce n'était que (a + b) exposant 2 ?
Mais le problème c'était de reconnaître le truc.
Bien que sachant qu'il y avait un truc, je ne le reconnaissais jamais ! Je n'étais, hélas, pas seule dans mon cas !
Aujourd'hui, les problèmes ont changé de lieu et il semblerait que c'est plutôt le français qui pose problème à nos chers petits génies en mathématiques !
Il faudrait, dare-dare, que les profs de français se mettent à trouver des trucs aussi !
Peut-être que tout ce que je viens d'écrire n'est qu'une grosse bêtise, c'est te dire si je suis démunie de trucs !
Quoiqu'il en soit, je t'embrasse.
Mais, Madame Putzi Ouane, les profs en avaient trouvé ! Exemple : "le chapeau de cime tombe dans l'abîme", "mais ou et donc or ni car ?" (ce dernier "truc" revient de si loin que je me demande si je ne l'ai pas déformé ou abrégé ou Dieu sait quoi). Evidemment, ce ne sont pas des "méthodes", mais ça aidait.
Et si tu parles de littérature française, alors il vaut mieux qu'ils aient le moins de "trucs" possible... Or, ils en ont !
Je ne suis pas compétente pour juger de l'évolution de l'enseignement du français, ni du français tout court d'ailleurs, mais il est vraiment dommage d'avoir massacré l'enseignement de la grammaire qui fait l'ossature d'une langue et sous prétexte de "modernité" et de "méthode globale" de faire que nous avons une génération qui ne sait plus écrire correctement.
Bises
Mireille
Relevé pour Mireille sur Slate.fr ce commentaire signé Rationalist.
"J'enseigne à des publics de type ingénieur et de type scientifique.
Pour l'enseignement des ingénieurs, on enseigne l'apprentissage de méthodes connues pour résoudre des problèmes connus.
Pour des scientifiques, on enseigne, par apprentissage à trouver des méthodes nouvelles pour des problèmes nouveaux.
L'ingénieur est conservateur par nature, le scientifique progressiste par nécessité."
Pourvu qu'ils ne se mettent pas à nous fabriquer trop d'ingénieurs, là où nous avons paraît-il, tant besoin de scientifiques !
@ Putzi Ouane Pff... ! Mireille et Philippe, chacun dans sa partie, sont plus subtils que ce radoteur.