Recherchant un texte dans de très anciens cahiers, je me mets parfois à en relire certains passages. Quelle misère d'avoir changé si peu. Tant d'années passées à essayer d'élucider les raisons de tous ces trous dans la coque du bateau ! Et pour quel résultat ?
Or voilà que je découvre que j'ai acquis de la méthode.
De la méthode ! Je n'en reviens pas. "Tu n'as pas assez de méthode". Voilà ce que j'entendais toujours. Un mot qui ne voulait pas de moi - ou l'inverse. Un mot-échafaudage qui allait écraser les grenouilles de ma mare, les faire s'enfuir irrémédiablement.
"Mais non, ici, voyez-vous - essayait de dire une petite voix dérangée au fond de moi - ici, les événements ont d'autres lois, c'est un pays où le mot "méthode" est une monnaie étrangère dont aucune banque ne voudra, désolée. Reprenez votre mot, nous ne pouvons rien en faire. Méthode ! Oui, j'en conviens, c'est un mot respectable, sa gravité m'impressionne, je suis convaincue qu'il peut rendre d'immenses services (j'ai voyagé, vous savez), mais ici, ici décidément, il est inutilisable. Si vous le laissez traîner dans les parages, non seulement on ne l'utilisera pas, mais il va se faire piétiner, alors qu'il peut faire des miracles ailleurs. Remettez-le dans vos bagages, et partez, croyez-moi."
Ainsi parlait ma petite voix dérangée.
Or aujourd'hui, ce mot je l'ai accueilli, il a pris sa place dans ma vie. Je vous en dirai plus une autre fois. Sachez seulement que c'est un événement.