mardi, novembre 17 2009, 10:36
L'encre et la mouche - Le Tournesol de Davos Ch.100 (fin du livre)
Par Lika Spitzer - Le tournesol de Davos - Lien permanent
Cela se passait près d'une fenêtre, un jour de pluie, un de ces jours sombres de vacances, qui creusent davantage la solitude de chacun. Un cousin avait trouvé un jeu : il faisait tomber une goutte d'encre sur une mouche qu'il avait réussi à emprisonner.
La mouche se secouait : vite elle essuyait une aile, une autre, essuyait, essuyait avec ses petites pattes agiles. Une autre goutte d'encre arrivait alors, et la mouche s'essuyait de plus belle, une autre goutte puis une autre tombaient, elle s'affairait encore et encore, ses pattes légères comme des traits de plume glissant et reglissant sur les ailes, mais avec de moins en moins d'assurance, peu à peu vaincue par l'épuisement.
Souvent cette scène s'est représentée à moi. Ou bien découragée par la misère du vieil hôpital où je travaille, par la fatigue, la solitude, le bébé que je ne sais pas élever, (ces choix incompréhensibles que j'ai faits !) j'entends Ysé se désespérer : « Il y a des moments où c'est trop, et c'est trop, et c'est trop, et c'est assez, et je n'en puis plus... » Et Amalric : « Est-ce que cela est si dur, Ysé ? Et elle : « Non ce n'est pas dur mon cœur ! »
Ces plaintes déplaisent à celui qui a été mon professeur de philosophie :
– Je n'ai jamais beaucoup aimé Claudel, me jette-t-il; et puis cette histoire de mouche à propos de ta vie, tu ne trouves pas que tu exagères un peu ?
4 commentaires
"ces choix incompréhensibles que j'ai faits "
Pourrions nous avoir un éclairage ou bien notre curiosité serait-elle maladresse ?
Biz a vous
Cher Corto, je vous avais écrit un long commentaire pour éclairer votre lanterne. Perdu, le commentaire : je suis si maladroite sur ce blog !
J'essaie de recommencer : Vous aviez peut-être compris que le chien de race, c'était moi. Assignée dans l'enfance à n'exprimer aucun désir, à ne rien attendre de l'avenir. Une chance : notre bonne, Reine, gaie comme un pinson, qui aimait les enfants, avait eu plein d'amants dans sa vie. Quand je lui disais, effrayée : "Reine, tu vas aller en enfer !" elle rigolait : "Penses-tu. Dieu ne s'intéresse pas à notre vie privée.IL S'EN FOUT ! Il a bien d'autres soucis, crois-moi." Et comme Reine débordait de courage, de joie de vivre, alors que les soeurs de notre pensionnat étaient méchantes et mesquines, c'est elle que je croyais. Elle, à qui, sans m'en rendre compte, je voulais ressembler. C'est pourquoi, après le bac, ayant réussi le concours de prep d'IDHEC, plus j'entrevoyais de perspectives, plus j'étais angoissée. Idem pour le CFJ. Que j'ai laissé tomber en mai : "interdiction", n'est-ce pas.
Jusqu'au jour où j'ai poussé ma serpillère à l'hôpital de la Salpêtrière, en juin 68, pour être utile, comme Reine. Des années d'écriture pour arriver à me comprendre un peu. (Heureusement qu'écrire fait partie de la vie privée, n'est-ce pas, j'ai le droit. Mais chercher à publier... :" Ne réveillez pas le tigre qui dort" - proverbe chinois. -)
Ai-je un peu répondu, cher Corto, ou vous ai-je gavé ? Question.
Me gaver certainement pas. Jai pas tout compris mais ai compris il me semble l essentiel
biz et bne journée a vous !
Merci, cher Corto. "Ecrire", pour moi, c'est toujours travailler à dire moins, de sorte que quand je bavarde - et on bavarde sur un blog - je crains de trop me lâcher...
Vous, vous semblez maîtriser très bien cet instrument.
Alors, pouvez-vous me dire pourquoi je vois la notion de "billets indésirables" ? Philippe me dit qu'il ne faut pas les afficher, qu'ils risquent de planter mon ordi, ou je ne sais quoi, mais moi je suis comme la femme de Barbe-Bleue devant la porte interdite, car, à côté de "indésirable", je lis : "les afficher", et suis tentée... Que feriez-vous, dans ces cas-là ?