Cela se passait près d'une fenêtre, un jour de pluie, un de ces jours sombres de vacances, qui creusent davantage la solitude de chacun. Un cousin avait trouvé un jeu : il faisait tomber une goutte d'encre sur une mouche qu'il avait réussi à emprisonner.

La mouche se secouait : vite elle essuyait une aile, une autre, essuyait, essuyait avec ses petites pattes agiles. Une autre goutte d'encre arrivait alors, et la mouche s'essuyait de plus belle, une autre goutte puis une autre tombaient, elle s'affairait encore et encore, ses pattes légères comme des traits de plume glissant et reglissant sur les ailes, mais avec de moins en moins d'assurance, peu à peu vaincue par l'épuisement.

Souvent cette scène s'est représentée à moi. Ou bien découragée par la misère du vieil hôpital où je travaille, par la fatigue, la solitude, le bébé que je ne sais pas élever, (ces choix incompréhensibles que j'ai faits !) j'entends Ysé se désespérer : « Il y a des moments où c'est trop, et c'est trop, et c'est trop, et c'est assez, et je n'en puis plus... » Et Amalric : « Est-ce que cela est si dur, Ysé ? Et elle : « Non ce n'est pas dur mon cœur ! »

Ces plaintes déplaisent à celui qui a été mon professeur de philosophie :

–  Je n'ai jamais beaucoup aimé Claudel, me jette-t-il; et puis cette histoire de mouche à propos de ta vie, tu ne trouves pas que tu exagères un peu ?