Il m'est dur d'admettre que je ne t'intéresse pas.
Même si dans nos discussions avec les médecins
tu me donnes toujours raison.
.
Tout est toujours dur
quand on est le premier à désirer.
Comment alors empêcher
le désir de basculer dans les ténèbres de la violence
et comment le repêcher ensuite,
une fois qu'il est tombé en ce puits ? 


Je ne peux pas me faire entendre de toi.
Tu dois croire qu'il y a en moi une sorte de perversité,
de goût pour l'impossible
et est-ce si faux ?

Un soir, avec toi, j'avais bu beaucoup de champagne
et je t'avais raconté comment
à dix-huit ans, j'avais été subjuguée par Claude N.,
joli nez triangulaire et voix rauque,
un travesti, dans un cabaret à Cannes,
et comment elle (oui, pour moi c'était Elle) avait accepté
que je l'invite à danser.
L'admiration éperdue d'une enfant l'avait attendrie,
et dansant bien serrée contre moi,
elle m'avait même donné un tendre baiser moqueur sur la bouche
la seule fois de ma vie
où est demeuré sur mes lèvres après un baiser
le goût faussement framboisé du rouge à lèvres.

Mais quand je te parle ainsi
tu ne m'écoutes pas.

    1976