En Bretagne j'ai lu L'Immoraliste, acheté presque moisi, sans me douter que ses imparfaits du subjonctif allaient me hanter.
En effet, comme nous sortions du supermarché, à ma propre surprise, je me suis entendu dire à Philippe : "J'avais oublié que tu fusses garé si loin de l'entrée." - L'effet Gide.
Si vaccinée que je me crusse contre cet imparfait du subjonctif, ce vieil amoureux éconduit me revenait donc, ensorcelant, que naguère je trouvais ridicule, moquais devant mes amis sans avoir idée de l'envisager. Et hier encore, songeant à sa laideur quand il s'accouple aux verbes du premier groupe, je pensais qu'il ne servait plus qu'à souligner ironiquement certains propos.
Quoi qu'il en soit, depuis quinze jours, j'ai abandonné mon vieux présent de l'indicatif - époux loyal mais jugé ennuyeux pendant ces vacances - je l'ai jeté aux orties, pour tenter l'aventure excitante de l'imparfait du subjonctif. Je vivais trois vers du poème ROMAN :
Vous êtes amoureux. Loué jusqu'au mois d'août.
Vous êtes amoureux - Vos sonnets  La font rire.
Tous vos amis s'en vont, vous êtes mauvais goût
.
Tu as raison Rimbaud, mais j'ai tant de joie à me plonger dans ma grammaire préférée !
Amoureuse ignorante, je me régale secrètement des subtilités de ce subjonctif, m'amuse de cet exemple de Monsieur Grevisse :
"On ne sache pas que M.de Boutiaguine eût besoin de se faire masser !" - Aragon Semaine Sainte  L P tome 1 p 157.
Sommes-nous beaucoup à jouir de l'élégance érotique, un brin sophistiquée, de l'imparfait du subjonctif, qui habille de la soie la plus délicate la trivialité de certains mots ?
Hum... Un peu trop "jolie", cette phrase, non ? Mais pardonnez-moi. L'ouvrage de Monsieur Grevisse m'attend, dont j'aime le titre décent : Le bon usage...