– Voici, dit tante Nivès, la photo de votre cousine le soir de son premier bal. 

Marianne et moi nous nous penchons pour regarder. Dans ce crépuscule des tropiques, sous le flash, s'ouvrent ensemble dans le jardin les frous-frous violemment rouges des buissons et le tulle pastel de la robe de bal étalée sur l'herbe autour de notre belle cousine.

Irons-nous aussi au bal un jour ? Nous ne le savons pas, ou pire, nous nous doutons que personne n'abordera le sujet.

Nous sommes des jeunes filles à qui on se contente de faire croire vaguement les choses, des jeunes filles qu'on laisse toujours suspendues entre le possible et l'impossible, très haut dans les airs, comme immobilisées sur la Grande Roue du Prater, tandis qu'au-dessous la vie réelle, comme un chien, attend, menaçante, et on ne sait pas où est son maître.