Chaque fois qu'elle voit un prince charmant, elle se soulève et tambourine de toutes ses forces contre la vitre. La plupart du temps le prince charmant effrayé par le bruit se sauve sans demander son reste ; mais quelquefois il est désinvolte : il vient tapoter la vitre pour inciter la petite furie au calme, et après un gentil sourire navré se retire prestement. Le plus souvent il est sévère : une princesse exposée à tous les regards quand elle est couchée cela porte un nom. Il se détourne de ce spectacle sans un mot.

Les bergères non plus ne sont pas tendres. Blanche-Neige n'est qu'une prétentieuse. Au début, par le trou d'aération du couvercle elles lui avaient glissé de quoi tricoter — avec un peu d'habitude on doit très bien arriver à tricoter étendu sur le dos — mais mademoiselle la princesse, sous prétexte qu'elle a un peu de verre autour du corps ne lève pas le petit doigt. Aussi, la voir frapper du poing contre le cercueil les fait rire de bon coeur et n'en manger leurs tartines qu'avec plus d'appétit.

A vrai dire, Blanche-Neige n'est pas toujours véhémente. Au plus fort de l'été quand le soleil tape verticalement sur le cercueil, il lui arrive même de perdre connaissance et de se laisser basculer contre le verre bouillant sans la moindre résistance. Et personne ne vient à son secours. Les bergères sont parties à l'ombre avec leur troupeau, et les princes charmants, déçus de ne voir de près qu'un objet de verre quand ils rêvaient d'étoile miraculeuse, tournent bride, indifférents au contenu du cercueil.