Une fois était venu au café un être vivant inquiet, très gentil, avec des yeux transparents. Me voyant lire le Francion de Sorel, il m'avait parlé avec passion de Lazarrille deTormès.
Un autre jour, il était radieux : il venait de décrocher son CAPES d'espagnol. "Quand on peint comme il peint, a dit posément un ami, et qu'on laisse tomber la peinture, on n'est pas fier de passer son CAPES d'espagnol."
Et plus tard, sa femme, de raconter en son absence à qui voulait l'entendre comment il avait réussi - diaboliquement - à lui faire perdre toute l'année précédente... elle n'avait plus goût à rien, trouvait tout inutile, restait avec lui des nuits entières à se lamenter... heureusement elle s'était reprise, elle terminait sa médecine, quant à lui... Suivait ce souvenir : ne l'avait-elle pas trouvé un soir en train de faire des CONFITURES !
Les confitures m'ont marquée. J'imaginais des pots de grand-mère rouges, traversés de lumière au couchant, à l'heure où rentrait la mégère...
Il y a sept ans de cela. Je n'ai jamais revu Adrien.